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qui paraissent sans réplique , il discute , il rai- sonne , il conclut en faveur de Rousseau , et semble garder en réserve , pour ses ennemis, une partie de l'indulgence qu'il demande et qu'il ob- tient pour les fautes de ce grand homme.

Il sait , en convenant de ses torts , le faire aimer : c'est ce qu'il y avait de mieux à faire. Les maux qu'il a soufferts et le bien qu'il a fait : voilà ses tities et son excuse. Qu'on se représente, d'une part , le tort de sa société , les opinions éta- blies dans le temps où Rousseau a vécu dans le monde , c'est-à-dire à l'époque de ses succès ; qu'on se figure , de l'autre , Jean-Jacques au mi- lieu de ces conventions absurdes , dont la plu- part sont si bien jugées maintenant ; qu'on se rap- pelle ses goûts , ses habitudes , son attachement aux convenances naturelles et premières, et qu'on juge de quel œil il devait voir les convenances factices que la société leur opposait, l'importance mise aux petites choses , la nécessité de déférer aux sottises respectées, aux sols en crédit; la tyrannie des riches , leur insol-ence polie , l'orgueil qui , pour se ménager des droits ^ se déguise en bienfaisance ; la fausseté du commerce entre les gens de lettres et les gens du monde : on sentira ce que de pareilles sociétés devaient être pour Rous- seau, et ce qu'il était lui-même pour elles. C'est là que se formèrent les inimitiés qui empoison- nèrent le reste de la vie de Jean-Jacques, et qui l'en-

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