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DE CHAMFORT. 269

qualité , qu'il faudra disputer à tes rivaux , en te roulant dans la fange , comme le fait la populace aux distributions de monnaie qu'on lui jette dans les fêtes publiques.

Tai trouvé , mon ami , que cette existence ne me convenait pas ; et , méprisant à la fois la glo- riole des grandeurs et la gloriole littéraire , j'ai immolé l'une et l'autre à l'honneur de mon carac- tère et à l'intérêt de mon bonheur. J'ai dit tout haut : J'ai fait mes preuves de désintéressement , et je ne solliciterai pas ; j'ai très-peu, mais j'ai au- tant ou plus que quantité de gens de mérite : ainsi je ne demande rien. Mais il faut que vous me laissiez à moi-même ; il n'est pas juste que je porte , en même temps , le poids de la pauvreté et le poids des devoirs attachés à la fortune ; j'ai une santé délicate et la vue basse ; je n'ai gagné jusqu'à présent dans le monde que des boues, des rhumes , des fluxions et des indigestions , sans compter le risque d'être écrasé vingt fois par hiver. Il est temps que cela finisse ; et , si cela n'est pas terminé à telle époque , je pars.

Yoilà , mon ami , ce que j'ai dit ; et si vous vous étonnez que cela ait pu produire autant d'ef- fet, il faut savoir qu'une première retraite de six mois, où j'avais trouvé le bonheur , a prouvé in- vinciblement que je n'agissais ni par humeur , ni par amour propre. Il reste à vous expliquer pour- quoi on se faisait une peine de me voir prendre le parti de la retraite. C'est , mon ami , ce que je ne

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