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268 OtUVRES

de nous fréquenter , par le plaisir tle nous amu- ser, par l'agrément d'être traité par nous comme ne l'est aucun homme de lettres?

A cela je réponds : J'ai quarante ans. De ces petits triomphes de vanité dont les gens de lettres sont si épris , j'en ai par-dessus la tète. Puisque , de votre aveu , je n'ai presque rien à prétendre , trouvez bon que je me retire. Si la société ne m'est bonne à rien , il faut que je commence à être bon pour moi-même. Il est ridicule de vieil- lir , en qualité d'acteur , dans une troupe où l'on ne peut pas même prétendre à la demi-part. Ou je vivrai seul, occupé de moi et de mon bonheur; ou , vivant parmi vous, j'y jouirai d'une partie de l'aisance que vous accordez à des gens que vous-mêmes vous ne vous aviserez pas de me comparer. Je m'inscris en faux contre votre ma- nière d'envisager les hommes de ma classe. Qu'est- ce qu'un homme de lettres selon vous , et en vé- rité , selon le fait établi dans le monde ? C'est un liomme à qui on dit : ïu vivras pauvre , et trop heureux de voir ton nom cité quelquefois ; on t'accordera , non quelque considération réelle , mais quelques égards flatteurs pour ta vanité sur laquelle je compte , et non pour l'amour propre qui convient à un homme do sens. Tu écriras , tu feras des vers et de la prose pour lesquels tu rece- vras quelques éloges, beaucoup d injures et quel- ques écus , en attendant que tu puisses attraper quelques pensions de vingt-cinq louis ou de cin-

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