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Notice

plat & de plus bête qu’un gentilhomme Français ? » Les deux amis rirent aux éclats de cette apostrophe ; & nous avons entendu l’un d’eux la raconter en 1791, en dînant avec de prétendus patriotes d’alors, nobles comme lui, mais qui n’avaient pas tous autant que lui le bon esprit de la trouver plaisante.

Depuis sa tragédie de Mustapha, dont le succès moindre à Paris qu’à Fontainebleau, avait eu cependant le double effet des grands succès, l’estime des connaisseurs, l’envie & le déchaînement des rivaux médiocres, Chamfort n’avait rien donné au public ; mais ses titres n’étaient pas douteux, & l’Académie Française ayant perdu M. de Sainte-Palaye, s’honora en le lui donnant pour successeur[1]. Il savait dès-lors que penser de cette société littéraire où l’on avait tant multiplié les admissions de Gens de la Cour & de Gens en place, que sur quarante académiciens il n’y avait que quinze ou seize Gens de Lettres ; mais dans la position où il était alors, si ce n’était ni un grand honneur, ni une grâce d’être de l’Académie, c’était pour ainsi dire un devoir : il en fut donc. Il remplaçait un érudit qui s’était principalement exercé sur nos antiquités, & ce sujet-là ne semblait pas beaucoup prêter à l’éloquence ; mais cet érudit avait écrit sur la chevalerie ; mais c’était un excellent homme, excellent ami, excellent frère, célèbre dans le monde par une sorte de passion, d’amitié fraternelle. La chevalerie & l’amitié, voilà les deux parties du discours de Chamfort, & l’on déciderait difficilement s’il a mis dans l’une plus d’esprit que de sensibilité dans l’au-

  1. Chamfort est reçu le 19 juillet 1781 au fauteuil de Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781). Son discours de réception est disponible sur le site de l’Académie française. (Note wiki)