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sur Chamfort.

tre. La première brille & pour ainsi dire étincelle ; la seconde touche & attendrit : toutes deux ont, avec le charme qui leur est propre, le charme commun d’une philosophie aimable & d’un excellent style. Le tems peut avoir fait perdre de son prix à ce portrait de l’ancienne chevalerie ; mais le tems ne peut qu’en ajouter à ce tableau si touchant de l’amitié de deux frères qui ont réalisé de nos jours la fable des deux jumeaux de la mythologie antique.

Pour peindre si bien l’amitié, Chamfort n’a fait qu’écouter son cœur : autant il était peu occupé de cette tourbe indifférente qui circule, sous le nom d’amis, autour d’un homme de quelque réputation dans le monde ; autant il était affectueux, confiant, officieux pour ses véritables amis. Il en eut un à qui l’on put donner ce titre dans une classe où les amis, rares dans toutes les classes, l’étaient encore beaucoup plus, & pouvaient passer pour des phénomènes. Le comte de Vaudreuil, l’un des hommes les plus aimables de la Cour & qui y était alors dans une haute faveur, le recherchait & l’aimait depuis long-tems : il se fit voir à lui sous des aspects si estimables, & l’entoura de si douces séductions, qu’après une assez longue résistance il lui fit accepter enfin un appartement dans son hôtel.

C’était le rendez-vous des sociétés les plus brillantes & les plus bruyantes, mais ce l’était aussi de quelques douces réunions d’amis des lettres & des arts : les unes étaient pour Chamfort un spectacle, & les autres une jouissance. Depuis que son esprit & ses succès l’avaient lancé dans le grand monde, il n’y était pas resté spec-