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xiii
sur Chamfort.

Revenu de ce voyage, il éprouvait de l’adoucissement à ses maux ; mais voyant qu’ils n’étaient point guéris, il renonça pour toujours à des cures ruineuses : il y substitua des bains, des palliatifs doux qui lui devinrent d’un usage habituel & presque journalier. Sa fortune n’était guère en meilleur état que sa santé ; pour subsister & pour payer les soins d’une garde-malade, il n’avait que la pension sur le Mercure & une modique gratification sur la Cassette : il se retira à Sèvres dans un appartement que lui fit meubler madame Helvétius ; ses souffrances, quelques tracasseries littéraires auxquelles il se vit en butte, & le lâche abandon de quelques prétendus amis, avaient aigri la sensibilité de son ame, irrité la fierté de son caractère, & lui avaient fait prendre le parti de se laisser entièrement oublier du public.

Cependant ses amis qui sentaient le besoin qu’il avait de s’arracher à une oisiveté dangereuse & de fixer l’inquiète activité de son esprit par des occupations attachantes, le décidèrent à reprendre sa Tragédie de Mustapha, commencée depuis long-tems, abandonnée & reprise vingt fois dans les alternatives de langueur & de force qu’éprouvait sa santé. Il se remit alors à l’étude de Racine : les observations & les notes qu’il fit sur l’art & le style de ce premier de nos tragiques, formeraient un excellent commentaire. Plusieurs scènes de sa tragédie de Mustapha prouvent avec quelle attention & quel fruit il avait étudié sa manière, & jusqu’où il en aurait peut-être porté l’imitation, s’il n’eût été