tateur oisif, ni, si l’on veut, spectateur bénévole ; les vices qu’on appellait aimables, les ridicules consacrés & passés en usage, avaient fixé ses regards ; & c’était par le plaisir de les peindre qu’il se dédommageait souvent de l’ennui & de la fatigue de les voir. Ses contes, où la licence des mœurs était, comme dans la société, revêtue d’expressions spirituellement décentes, devinrent une galerie de portraits frappans de ressemblance ; & dans ses tableaux malins, piquans & variés, ce peintre habile eut l’art d’amuser sur-tout ses modèles.
Il se trouvait alors plus heureux qu’il ne l’avait été de sa vie ; libre de toute chaîne & de tout devoir, il pouvait toujours choisir entre la solitude qu’on ne se permettait jamais de troubler, le tourbillon du monde où le sage lui-même aime quelquefois à se jetter, & une société choisie, composée de gens faits pour l’apprécier & pour lui plaire, dont il trouvait moins insupportables les défauts & les ridicules, depuis qu’il avait acquis le privilège & qu’il s’était même fait auprès d’eux un mérite de les fronder. Ses matinées se partageaient entre ses études & ses anciens amis, qu’il n’a jamais vus ni cultivés plus assiduement que dans ce tems de faveur où il était comme assailli de tant d’amitiés nouvelles. Il n’était pas homme à prendre le change sur la nature de cet empressement. « J’ai, disait-il, trois sortes d’amis ; mes amis qui m’aiment, mes amis qui ne se soucient pas du tout de moi, & mes amis qui me détestent. »