Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xlix
sur Chamfort.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

le caractère de Chamfort. Sous le premier rapport, le seul défaut que l’on pût reprendre en lui, était un peu d’affectation ; encore était-ce plutôt dans son langage que dans son style. Le bonhomme Auger[1] lui dit un jour : « Vous m’avez donné votre adresse avec tant d’esprit que je n’ai jamais pu la trouver. » Deux choses sont à remarquer dans ce mot : Auger le dit de bonne-foi, sans y entendre malice ; & c’est Chamfort qui l’a raconté.

Quant au caractère & aux qualités de l’ame, diverses raisons ont pu le faire mal apprécier pendant sa vie. D’abord en général, un esprit supérieur, un caractère qui sort de l’ordre commun, exige d’autres appréciateurs que ces hommes frivoles dont la vue courte apperçoit à peine les qualités médiocres de ceux qui les environnent & leur ressemblent ; les esprits étendus, profonds & philosophiques sont au-dessus de leur portée : ils les dédaignent ou les persécutent. Ensuite Chamfort eut une jeunesse très-orageuse : sa pauvreté, ses passions, son goût exclusif pour les lettres, qui l’éloignait de toute occupation lucrative, donnèrent à son entrée dans le monde un aspect qui put blesser des hommes austères : & ceux qui l’ont suivi de moins près depuis cette ancienne époque, peuvent en avoir conservé de fâcheuses impressions. La vivacité de son esprit, celle de ses réparties, une certaine causticité

  1. Traducteur de Démosthène, d’Eschine, de Cicéron, &c.