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apporta alors une ressource assez originale. Un jeune prédicateur de ses amis se trouvait fort empêché d’avoir à débiter un sermon par semaine à la cour. Comme l’abbé avait plus d’argent et de mémoire que d’inspiration, il fut convenu que Chamfort serait son pourvoyeur, c’est-à-dire qu’il ferait ses sermons pour lui. Je ne sais pas si les sermons fabriqués à cette occasion par Chamfort furent tous bons ; toujours est-il qu’ils n’étaient pas chers.

Cet échange de bons offices dura entre les deux amis pendant près d’une année. À un louis pièce, c’était tout ce qu’il fallait à Chamfort et à sa mère pour ne pas mourir de faim.

Cette fabrication considérable de sermons anonymes une fois terminée, Chamfort eut besoin de distraction. Il se laissa enlever par un riche Liégeois qui croyait aimer les lettres, et qui l’emmena avec lui en qualité de secrétaire. « Vie errante est chose enivrante, » a dit un de nos poètes. Chamfort avait eu cette illusion au départ ; il fut bientôt désabusé et de son Liégeois et des voyages, et ne rapporta de Cologne et de Spa que de l’ennui et la pauvreté.

Après ces diverses tentatives, Chamfort se recueillit.

« Il comprit, dit M. Tissot, que l’illustration était la seule chose qui pût effacer le malheur de sa naissance et lui donner dans la société la place que les préjugés lui refusaient. Il se précipita donc avec ardeur dans la carrière littéraire. »

Il se fit attacher à la rédaction du Journal encyclopédique ; il participa à la rédaction du Vocabulaire français, et vécut pendant deux ans du produit de divers travaux littéraires.

Tout ce qui débutait dans les lettres concourait alors pour les prix de l’Académie française.