Page:Chamfort - Pensées, Maximes, Anecdotes, Dialogues, éd. Stahl.djvu/26

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Si aujourd’hui la compétition de ces prix est le plus souvent abandonnée à des médiocrités exercées au genre de travail particulier qui conduit aux succès académiques, cela tient surtout à ce que l’Académie, en imposant aux concurrents des sujets déterminés, comme un pédant à son élève, renonce par cela même à obtenir jamais des travaux originaux, et se condamne à ne recevoir que des amplifications d’écolier. Si elle eût laissé libre carrière aux écrivains, en se contentant de couronner les meilleurs ouvrages éclos spontanément de leur cerveau, en dehors de tout programme, elle eût été utile peut-être et n’eût pas été réduite, dès lors, pour avoir de l’importance, à tâcher d’être un corps politique.

Chamfort était de cet avis. Mais l’usage était inflexible. Il concourut. Le prix de poésie, remporté, en 1764, par son Épitre d’un père à son fils, sur la naissance d’un petit-fils, et le succès de sa comédie la Jeune Indienne, le mirent en évidence.

Le Marchand de Smyrne, petite pièce qu’il fit représenter à quelque temps de là, et qui est restée au répertoire du Théâtre-Français, ajouta encore à sa réputation naissante.

Il est curieux de voir quelle réception firent à ce jeune et beau débutant, à son entrée dans la république des lettres, les citoyens de cette république que la nature de leur esprit portait plus particulièrement à la critique.

Voltaire, remarquant ses débuts, dit : « Voilà un jeune homme qui écrira comme on faisait il y a cent ans. »

Voltaire, sans doute, avait vu autre chose de lui que ses vers. En effet, Chamfort, prosateur excellent, n’a rien laissé en vers qui justifie cette grande opinion. Il faut dire que sa génération n’était pas plus forte que lui en fait de poésie, et qu’il fut encore un des meilleurs parmi