Aller au contenu

Page:Chamisso - L’homme qui a perdu son ombre, 1864.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 85 —

côté, je commence aussi à vous trouver infiniment ennuyeux. Or donc, pour vous soustraire définitivement et à jamais à l’humiliation de ma fâcheuse présence, je vous le conseille encore une fois, rachetez-moi cette ombre tant regrettée. » — « À ce prix ? lui dis-je, en lui présentant la bourse. » — « Non. » Telle fut sa laconique réponse. Je soupirai profondément et repris la parole : « À la bonne heure. Je n’en insiste pas moins sur notre séparation. Ne vous obstinez pas, Monsieur, à me barrer plus longtemps le chemin sur cette terre, qui, je pense, est assez large pour tous deux. » Il sourit et me répliqua : — « Je pars, Monsieur, mais auparavant je veux vous apprendre à sonner votre valet très indigne, si jamais vous pouviez avoir besoin de lui. Vous n’avez pour cela qu’à secouer votre bourse ; le tintement de l’or éternel qu’elle renferme se fera partout entendre à mon oreille, et je serai toujours à vos ordres. Chacun pense à son profit dans ce monde ; vous voyez qu’en songeant au mien je ne néglige pas vos intérêts. N’est-il pas évident que je remets aujourd’hui une nouvelle force à votre disposition ? Oh ! cette bourse ! Tenez, quand les teignes auraient rongé votre ombre, cette bourse serait encore un lien solide entre nous. En un mot, vous me tenez par la bourse ; vous pouvez m’appeler quand il vous plaira, et disposer, en tout temps et en tous lieux, de votre très humble et très obéissant serviteur. Vous savez quels services je puis rendre à mes amis, et que surtout les riches sont bien dans