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IX

Je me trouvais donc sans ombre et sans argent, mais ma poitrine était soulagée du fardeau qui l’avait oppressée, et je respirais librement. Si je n’avais pas perdu mon amour, ou si dans cette perte je m’étais cru sans reproches, je crois que j’aurais été heureux. Cependant je ne savais que faire, et j’ignorais ce que j’allais devenir. Je visitai d’abord mes poches, où je trouvai encore quelques pièces d’or ; je les comptai, et je me mis à rire. J’avais laissé mes chevaux dans la vallée, à l’auberge prochaine, mais j’avais honte d’y retourner. Au moins fallait-il pour cela attendre le coucher du soleil, et il était à peine à son midi. Je m’étendis à l’ombre d’un arbre, et je m’endormis profondément.

À travers le tissu diaphane d’un songe délicieux, je vis groupées autour de moi les plus riantes images. Je vis Mina couronnée de fleurs s’approcher, me sourire, se pencher vers moi, et glisser comme sur les ailes du zéphyr. L’honnête Bendel, le front radieux, passa devant moi,