pas repousser. » Il secoua la tête en fronçant le sourcil, et répéta : « Point d’ombre ! point d’ombre ! cela ne vaut rien, c’est une mauvaise maladie que Monsieur a eue là. » Il ne reprit pas le récit qu’il avait interrompu, et il me quitta sans rien dire, au premier carrefour qui se présenta. Mon cœur se gonfla de nouveau, de nouvelles larmes coulèrent le long de mes joues. C’en était fait de ma sérénité.
Je poursuivis tristement ma route, et je ne désirai désormais aucune société ; je me tenais tout le jour dans l’épaisseur des bois, et, lorsque j’avais à traverser quelque lieu découvert, j’attendais qu’aucun regard ne pût m’y surprendre. Je cherchais, le soir, à m’approcher des villages où je voulais passer la nuit. Je me dirigeais sur des mines situées dans ces montagnes, où j’espérais obtenir du travail sous terre. Il fallait, dans ma situation présente, songer à ma subsistance ; il fallait surtout, et je l’avais clairement reconnu, chercher dans un travail forcé quelque relâche aux sinistres pensées qui dévoraient mon âme.
Deux journées de marche par un temps pluvieux, où je n’avais pas le soleil à craindre, m’avancèrent beaucoup sur ma route, mais ce fut aux dépens de mes bottes, qui dataient du temps du comte Pierre, et n’avaient pas été faites pour voyager à pied dans les montagnes. Je marchais à pieds nus ; il fallait renouveler ma chaussure. Le matin du jour suivant, le ciel étant encore couvert, j’entrai, pour m’occuper de cette affaire importante, dans un bourg où