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X

Un vif et profond sentiment de piété me fit tomber à genoux, et des larmes de reconnaissance coulèrent de mes yeux. Un avenir nouveau se révélait à moi. J’allais, dans le sein de la nature que j’avais toujours chérie, me dédommager de la société des hommes, dont j’étais exclu par ma faute ; toute la terre s’ouvrait devant mes yeux comme un jardin ; l’étude allait être le mouvement et la force de ma vie, dont la science devenait le but. Je n’ai fait depuis ce jour que travailler, avec zèle et persévérance, à réaliser cette inspiration ; et le degré auquel j’ai approché de l’idéal a constamment été la mesure de ma propre satisfaction.

Je me levai aussitôt pour prendre d’un premier regard possession du vaste champ où je me préparais à moissonner. Je me trouvais sur le haut plateau de l’Asie, et le soleil, qui peu d’heures auparavant s’était levé pour moi, s’inclinait vers son couchant. Je devançai sa course en traversant l’Asie d’orient en occident ; j’en-