Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/126

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98 BALZAC premier mot de Balzac : ce premier mot fut une tra- gédie ! Une tragédie, en cinq actes et en vers, classique dans toutes les règles. Quoi qu’en ait dit Balzac dans Louis Lambert, qui est une sorte d’autobiographie, il savait traduire sa pensée en vers. De 4 819 à 1820, Balzac « ayant écrit une tragédie, Henriette d’Angleterre, vient un jour trouver sa famille et la lui lit. Soumise par M. de Balzac père au jugement du littérateur Andrieux, le bonhomme lettré déclare, après l’avoir lue, que l’auteur n’est capable d’aucun progrès. » Il était difficile en effet de deviner l’auteur de la Comédie humaine sous le manteau de cette tragédie; cependant elle n’était guère plus faible que les tragédies de l’époque, et elle valait au moins les essais de tragédie d’aujourd’hui. Coulé dans le moule de Voltaire, le vers était commun, sans accent, l’action nulle; en persévérant, Balzac eût atteint Ducis. Heureusement il ne le voulut pas. Je dis heureusement, car Balzac a pu tout ce qu’il a voulu. J’ai connu un homme qui disait avoir trouvé la qua- drature du cercle, et qui, par ce moyen, prétendait arri- ver à l’accomplissement de toute œuvre mécanique ou d’imagination, création de main et création de tête. Il disait : « Je suis parvenu à faire une paire de souliers aussi bien que le meilleur cordonnier, et j’écrirais un poè’me bien supérieur à ceux d’Homère , si je voulais. » Cet homme, savant mathématicien, la tête troublée par ses recherches de quadrature du cercle, était un maniaque. J’en ai donné un croquis dans ma galerie d’Excentriques, en riant de sa prétendue puissance.