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Le bruit, qui a égaré tant de compositeurs à la recherche d’effets nouveaux, est heureusement exilé de son œuvre.

Il est grand, éloquent, passionné, imposant avec peu de moyens : son orchestration est large, pénétrante, remplit la salle. L’attention n’est distraite par aucun instrument ; ils sont harmonieusement fondus en un seul.


On dit le grand compositeur brisé et portant des traces visibles d’altération sur sa physionomie.

Ce ne sont pas les fatigues de ces derniers concerts, l’accueil du public a été trop enthousiaste et trop décisif à la soirée d’avant-hier ; mais ce sont des angoisses et des amertumes de quinze ans que le temps enlèvera difficilement.


Quelle destinée que celle de Richard Wagner !

Qui ne connaît les dernières années de la vie de Beethoven, quand aigri, hypocondriaque, maladif, il étonnait ses compatriotes par sa vie solitaire ?

Beethoven, devenu sourd, conduisant l’orchestre malgré sa surdité, et s’efforçant de comprendre ses interprètes par le regard.

Il n’y a rien de plus terrible dans l’enfer du Dante. On croirait que le peintre Goya, aveugle à Bordeaux, peut seul marcher de pair dans l’infortune avec Beethoven atteint de surdité.


Richard Wagner a réuni en lui ces deux grands malheurs : sourd et aveugle.