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Proscrit d’Allemagne à la suite d’événements politiques, il y a plus de dix ans qu’on joue ses opéras et qu’il ne peut ni les voir ni les entendre.

Ni Tannhäuser, ni Lohengrin n’ont pu lui ouvrir les portes de son pays natal.

Les Allemands ont acclamé son nom, ses œuvres ont défrayé tous les théâtres prussiens et autrichiens, et lui vivait retiré dans une modeste retraite à Zurich, écoutant le soir si le vent ne lui apportait pas des lambeaux de ses mélodies, à l’heure où ceux qui l’empêchaient de rentrer en Allemagne jouissaient de ses expansions musicales.

Est-il assez digne d’intérêt l’artiste qui n’entend ni ne voit ses musiciens et ses chanteurs ? Les murmures d’une salle attentive, les frémissements électriques qui parcourent tout un public, jusqu’à son silence glacial quand le compositeur s’est égaré, tous ces enseignements, qui servent de jalons à une œuvre nouvelle, étaient perdus pour Wagner.

L’exil n’est pas un puissant mobile de l’Art. Beaucoup risquent de s’y éteindre dans d’amères récriminations ou des assoupissements morbides. Wagner a échappé à ces défaillances ; retiré depuis quelques années à Zurich, il a composé deux opéras nouveaux, et il a choisi Paris comme le creuset où viennent se fondre et se faire contrôler les métaux précieux qu’on découvre à l’étranger.

Les trois concerts actuels qui vont se donner successivement ne sont que des pages détachées de grands poëmes déjà connus ; au printemps, Paris pourra jouir des opéras inédits dans leur ensemble, sous la direction du grand maître, qui ne vient prendre la place de personne. Au printemps, accourront de toute l’Allemagne chefs-d’orchestre, maîtres de chapelle, cantatrices, chanteurs et choristes, toute une armée d’Allemands, empressé de recevoir les instructions de l’artiste.

L’audition à Paris des deux opéras de Wagner ne sera