Page:Champfleury - Richard Wagner, 1860.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quoi commençait-on ? Sont-ce des fragments de Lohengrin ou de Tannhäuser ?

Qu’importe ? Je ne prétends pas donner une analyse régulière de chacun de ces fragments, mais la somme de sensations que j’ai recueillies de l’ensemble.


J’avoue que l’absence de mélodies, dont les prétendus connaisseurs parlaient depuis longtemps dans les revues et les gazettes, me préoccupait vivement ; et les tentatives que j’avais entendues en France dans ce même sens, n’étaient pas propres à faire de moi un enthousiaste.

Des orchestrations étranges, des accouplements bizarres d’instruments à timbres ennemis, des mélodies singulières rompues tout à coup comme par un méchant gnôme, des armées formidables d’instrumentistes et de choristes, des télégraphes portant le commandement du chef d’orchestre à d’autres sous-chefs dans d’autres salles, à la cave et au grenier, me donnaient un certain effroi de cette musique de l’avenir d’outre-Rhin, dont les critiques sérieux ne parlaient qu’avec dédain.


Dès les premières mesures de l’ouverture, les critiques chagrins qui trompent le public par esprit de dénigrement hostile et par une jalouse impuissance, comprirent qu’ils n’avaient qu’à fuir, car Richard Wagner était applaudi par la foule frémissante, qui a le sentiment du Beau et du Juste, et qui se sentait remuée jusqu’au plus profond de son être par des ondes musicales qu’un navigateur venait de découvrir.


Absence de mélodies, disaient les critiques.

Chaque fragment de chacun des opéras de Wagner n’est qu’une vaste mélodie, semblable au spectacle de la mer.