Page:Champlain - Oeuvres de Champlain publiées sous le patronage de l'Université Laval, Tome 2, 1870.djvu/72

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tant ils le peignent grand ; & que ſouuent il a deuoré & deuore beaucoup de ſauuages ; leſquels il met dedans vne grande poche, quand il les peut attraper, & puis les mange ; & diſoient ceux qui auoient eſuité le peril de ceſte malheureuſe beſte, que ſa poche eſtoit ſi grande, qu’il y euſt pu mettre noſtre vaiſſeau. Ce monſtre faict des bruits horribles dedans ceſte iſle, que les ſauuages appellent le Gougou ; & quand ils en parlent, ce n’eſt que auec vne peur ſi eſtrange qu’il ne ſe peut dire plus, & m’ont aſſeuré pluſieurs l’auoir veu. Meſme ledict ſieur Preuert de Sainct Malo, en allant à la deſcouuerture des mines, ainſi que nous auons dict au chapitre précédent, m’a dict auoir paſſé ſi proche de la demeure de ceſte effroyable beſte, que luy & tous ceux de ſon vaiſſeau entendoient des ſifflements eſtranges du bruit qu’elle faiſoit, & que les ſauuages qu’il auoit auec luy, luy dirent que c’eſtoit la meſme beſte, & auoient vne telle peur qu’ils ſe cachoient de toute part, craignant qu’elle fuſt venuë à eux pour les emporter ; & qu’il me faict croire ce qu’ils diſent, c’eſt que tous les ſauuages en general la craignent & en parlent ſi eſtrangement, que ſi ie mettois tout ce qu’ils en diſent, l’on le tiendroit pour fables ; mais ie tiens que ce ſoit la reſidence de quelque diable qui les tourmente de la façon. Voylà ce que i’ay appris de ce Gougou.

Premier que partir de Tadouſac pour nous en retourner en France, vn des Sagamo des Montagnez, nommé Bechourat[1], donna ſon fils au ſieur du Pont,

  1. Très-probablement le même que Begourat mentionné plus haut. On sait que dans certaines écritures de l’époque de Champlain les deux lettres ch avaient beaucoup de ressemblance avec le g.