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cédés et du principe des arts romains, on arriva par des transitions insensibles à la recherche et à l’étude des monuments de l’ancienne Grèce, d’où étaient venus les sciences et les arts, qui, adoucissant l’âpreté des mœurs latines, assurèrent au nom romain, sur les nations de l’ancienne Europe, cette longue suprématie que n’eussent pu perpétuer les vertus guerrières et le seul emploi de la force physique.

Dès ce moment, l’archéologie reconnut que Rome avait reçu par transmission immédiate les arts de la Grèce, encore empreints de leur simplicité si élégante et de cette inimitable pureté, principe de toute perfection ; que les dominateurs du monde, laissant aux Grecs le soin d’embellir la ville éternelle par les merveilles de l’architecture et de la sculpture, abandonnèrent leur religion et leur culte même au génie hellénique, puisque les images des dieux de Rome adorées dans les temples furent des produits de l’art et du travail de ces étrangers. Mais une telle concession de la part d’un peuple si jaloux de sa nationalité, trouva bientôt, aux yeux de l’archéologue, une explication suffisante dans la communauté d’origine des Grecs et des Romains, issus d’une même race, comme le prouvent l’extrême analogie de leur langage et l’identité de leurs croyances religieuses, dissemblables, il est vrai, en quelques points, quant à la nomenclature, mais parfaitement identiques dans le fond de la doctrine et dans l’ensemble de leurs formes extérieures.

Ainsi, remontant le cours des âges, la science archéologique, parvenue à la source originelle des arts et de la civilisation des Romains, concentra ses moyens et ses efforts sur l’étude des monuments de l’antique Grèce, contrée fameuse, considérée, en général et par l’effet inévitable de l’instruction première donnée aux générations qui se succèdent en Europe depuis plusieurs siècles, comme le berceau primitif de notre civilisation, comme la véritable terre natale des sciences et des arts.

Mais cette opinion s’affaiblit et se modifie singulièrement par un examen consciencieux des traditions et des monuments helléniques : une étude sérieuse, dégagée du préjugé vulgaire qui, malgré l’évidence des faits et le témoignage positif des anciens Grecs eux-mêmes, tendrait à faire admettre le système de la génération spontanée des arts, des sciences et de toutes les institutions sociales sur le sol de l’ancienne Grèce, nous démontre que, comme partout ailleurs peut-être, ce pays, habité d’abord par quelques hordes barbares, fut successivement occupé aussi par des populations étrangères dont l’arrivée opéra de grands changements et d’importantes modifications dans la langue comme dans la religion, les pratiques des arts et les habitudes de la vie civile.