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première lettre.

a voulu juger l’art égyptien en prenant pour terme (appréciation et de parallèle l’art des Grecs, c’est-à-dire celui d’un peuple totalement étranger à l’Égypte, non par la constitution physique seule, mais surtout par les mœurs, les institutions politiques et les habitudes qui décident toujours irrévocablement des progrès, de la direction et du perfectionnement de l’art. Si l’on s’étonne enfin de ne point remarquer dans les statues égyptiennes, ces formes gracieuses ou sublimes que le ciseau des Grecs sut imprimer au marbre le plus précieux comme à la matière la plus commune, c’est qu’on oublie sans cesse que les Égyptiens cherchèrent à copier la nature telle que leur pays la leur montrait, tandis que les Grecs tendirent et parvinrent à l’embellir et à la modifier d’après un type idéal que leur génie sut inventer.

La sculpture égyptienne, en reproduisant l’image d’un dieu ou d’un monarque, ne dut jamais arriver à cette élégance et à cette pureté qu’atteignit bientôt la sculpture grecque, parce que les plus beaux modèles se montraient de toute part à celle-ci, tandis qu’ils manquèrent toujours à l’autre. Il y a plus : l’artiste égyptien, trop souvent contraint, par les institutions nationales, d’unir les têtes de divers animaux à des corps humains, et de figurer des êtres sans type réel dans la nature, en sortant ainsi forcément des limites du vrai, se vit aussi dans la