Page:Champollion - Panthéon égyptien, 1823.djvu/130

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émanations directes d’Amon-ra, fut très répandu en Égypte. Plusieurs villes lui furent consacrées, et portèrent même son nom, si nous en croyons les Grecs ; Hérodote[1] parle, d’une manière très-détaillée, de la ville de Bouto située en basse Égypte vers l’embouchure de la Branche sébénnytique ; le temple de la déesse était orné de portiques d’une vaste étendue, et renfermait cette fameuse chapelle monolithe qui avait plus de cinquante pieds dans tous les sens. Il parait même que le bras du Nil qui se jetait dans la mer à une petite distance de cette ville, avait reçu le surnom de Branche thermoutiaque en l’honneur de la déesse ; car le mot que les Grecs ont écrit Θέρμουθις, Τερμουτίς, Θερμουτίς et Θερμούτ, nous parait être la transcription exacte d’un titre porté par les grandes déesses de l’Égypte, et surtout par Bouto, titre écrit ϫⲣⲙⲟⲩⲧ, Tjermout ou Djermout dans les textes hiéroglyphiques, et signifiant grande ou puissante mère. Une seconde ville du même nom, située au nord de Memphis et sur la rive occidentale du Nil, adorait spécialement la mère des dieux Bouto, circonstance qui fit donner à ce lieu, par les Grecs, le nom de Létopolis, la ville de Létô ou Latone.

Bouto passait aussi, dans la croyance des Égyptiens, pour la nourrice de certains Dieux. On disait qu’Isis avait confié à cette divinité ses deux enfants Horus et Bubastis ; et ce précieux dépôt fut caché dans l’île de Chemmis située dans le lac voisin de la ville de Bouto, île que la déesse rendit flottante pour dérober les deux jumeaux aux poursuites et aux recherches de Typhon.

La singulière image de Bouto, reproduite sur notre planche 23 (A), est tirée du fameux torse Borgia, sur lequel sont représentées la plupart des divinités égyptiennes ; un sujet semblable est figuré sur un scarabée de la riche collection de M. Durand, ainsi que sur une petite statue qui appartient à M. Julliot[2] ; la déesse caractérisée par la portion inférieure du pschent, qui couvre sa tête, donne son sein à deux crocodiles qu’elle semble allaiter avec tendresse. Cette scène fait-elle allusion à l’enfance d’Horus et de Bubastis, élevés secrètement sur les eaux du lac sacré ; ou bien se rapporte-t-elle à l’éducation de quelques autres divinités ? c’est ce qu’il est impossible de décider entièrement dans l’état actuel de nos connaissances sur les mythes sacrés de l’Égypte.

  1. Livre II, §. clv et clvi.
  2. Delaulnaye, Histoire des Religions.