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BOUTO,

nourrice des dieux.
Planche 23 (A)

Cette déesse, l’emblême de l’antique Nuit ou des ténèbres primitives, source féconde d’où sortirent une foule d’êtres vivants, fut considérée par les Égyptiens ainsi que dans la cosmogonie des Grecs et de la plupart des peuples orientaux, comme cette obscurité première qui, enveloppant le monde avant que la main toute puissante du Démiurge eût créé la lumière et ordonné l’univers, renfermait dans son sein les germes de tous les êtres à venir. Aussi, les vers des orphiques, vénérables débris de la plus ancienne théologie des Grecs, et qui contiennent des doctrines conformes, sur presque tous les points, à celles des Égyptiens[1], donnent-ils à la déesse Nyx (la Nuit primitive), les titres de Πρεσβυγένεθλ’ἀρχή πάντων, première née, commencement de tout, Οἰκε θεῶν, habitation des dieux, et celui de Θεῶν γενέτειρα, génératrice des dieux, titres qui répondent exactement aux qualifications grande déesse mère des dieux, et génératrice des dieux Grands, données à Bouto dans les légendes hiéroglyphiques gravées sur la tunique d’une statue qui tient dans ses mains une image de divinité placée dans un petit Naos[2]. Un monument semblable, mais de basalte vert, et seulement d’un pied de hauteur, a jadis existé dans la collection de feu l’abbé de Tersan ; il représente, d’après l’inscription hiéroglyphique sculptée sur le dos du personnage, Aménoftèp, fils d’Horus et de Tsenisis, et petit-fils du roi Psammitichus second, tenant aussi un petit naos dans lequel la déesse Bouto est figurée en plein relief. Tous les individus nommés dans cette inscription, prennent le titre de chéri de Bouto, divinité qui paraît avoir été la protectrice des pharaons de la XXVIedynastie égyptienne.

On donnait avec raison le surnom de mère des dieux à la déesse Bouto, puisque, unie au dieu Phtha, elle avait enfanté Phrè ou le Soleil, desquels naquirent ensuite tous les autres dieux. Hélios ou le Dieu-Soleil des Grecs, passait aussi pour fils de la déesse Nyx[3] (la Nuit).

Le culte de la déesse Bouto, divinité du premier ordre, et l’une des

  1. Hérodote, liv. II, §. lxxxi.
  2. Voyez le musée Pio-Clémentin, tome VII. Pl. A des Preuves.
  3. Ὅν αἰόλα Νύξ… Τίκτει. Ἄλιον Ἄλιον αἰτῶ. Sophocle, trachin., v. 93 et suiv.