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LE SPHINX DU DIEU PHRÉ,

OU DU SOLEIL.
Planche 24 (E)

Quoique Phré, ou le Dieu-Soleil, reçût de l’Égypte entière un culte très-solennel, et que peu de grandes divinités aient été l’objet de tant d’hommages, ses représentations au propre offrent, en général, peu de variétés soit dans l’ensemble, soit dans les détails des attributs ; tandis que certains dieux et quelques déesses d’un rang très-inférieur à celui du premier né de Phtha, se montrent, sur les monuments, sous des formes très-différentes, soit qu’ils empruntent la tête de divers animaux, soit par le changement des emblèmes et des décorations qui servent à les distinguer dans telle ou telle de leurs attributions divines. Mais si les images du dieu Phré sont presque toujours semblables, il existe une très-grande variété dans les symboles consacrés à rappeler l’idée de cet être bienfaisant, de ce roi conservateur du monde physique.

Parmi ces emblèmes, dont il a paru indispensable de comprendre la série entière dans ce recueil, l’animal fantastique gravé sur cette planche n’est pas un des moins importants ; et quoique jusqu’ici on ait voulu regarder le Sphinx comme un emblême exclusif des mystères du débordement, de la terre d’Égypte, ou de tout autre phénomène céleste ou terrestre, il est indubitable que le sphinx est, dans certaines occasions, un symbole du Soleil ou du dieu Phré, sur les monuments d’ancien style égyptien. La légende hiéroglyphique, peinte à côté de celui que nous publions aujourd’hui, contient textuellement, en effet, l’expression des idées (le Soleil) Dieu grand seigneur du ciel : c’est le texte même d’une formule inscrite sur l’obélisque transporté jadis d’Égypte à Rome pour être érigé dans le grand cirque, formule qu’Hermapion a rendue très-littéralement par les mots Ἥλιος θεὸς μέγας δεσπότης οὐρανοῦ[1].

Ce sphinx, tiré d’une magnifique momie de la collection égyptienne de S. M.  le roi de Sardaigne, existe sur le premier cercueil, au milieu de peintures d’autant plus curieuses, que plusieurs présentent, contre l’ordinaire des monuments de ce genre, un véritable intérêt historique. Le défunt, qui tenait un rang distingué dans l’ordre sacerdotal puisqu’il était voué au culte des souverains de la XVIIIedynastie égyptienne, est représenté à genoux devant un autel chargé de pains sacrés et de fleurs de lotus. Auprès des offrandes et sur un piédestal richement décoré,

  1. Hermapion, voy. Ammien-Marcellin, liv. XVII, ch. IV.