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repose le sphinx symbolique du Soleil : la tête humaine barbue et le corps du lion, sont de couleur verte ; une housse couvre son dos, et un grand uræus ailé s’élève en grands replis au-dessus de la croupe de l’animal fantastique, et exprime la puissance royale dont le dieu Phré, considéré comme le père des rois, était en quelque sorte la source et le prototype. Une petite image de la déesse Saté (la Junon égyptienne), assise entre les pattes antérieures du sphinx, paraît se rapporter à la même idée.

Le sphinx, qui est ici un emblême du dieu Phré, n’a jamais indiqué, comme c’est l’opinion commune, la présence de cet astre dans les signes du Lion et de la Vierge ; cette explication était d’autant moins fondée, que la tête humaine de la plus grande partie des sphinx de travail véritablement égyptien, est une tête mâle, caractérisée par la barbe, ce qu’on ne saurait rapporter à l’astérisme de la Vierge. Le seul passage des écrivains classiques, relatif à cet animal fantastique, et qui soit en harmonie parfaite avec les faits démontrés par les monuments, se trouve dans Clément d’Alexandrie, Ve livre des Stromates, où on lit[1] que le sphinx, chez les Égyptiens, fut le symbole de la force unie à la prudence ou à la sagesse : la première de ces qualités était exprimée par le corps entier du Lion τὸ σῶμα πᾶν λέοντος, et la seconde par la face d’homme, τὸ πρόσωπον ἀνθρώτου, unie au corps de l’animal.

Le sphinx étant ainsi, dans les anaglyphes, le signe de deux qualités essentiellement propres à toutes les essences divines et aux êtres mortels les plus favorisés des dieux, devint, par cela même, un emblême commun à la plupart des divinités du premier et du second ordre, et aux souverains de l’Égypte. J’ai reconnu, en effet, sur les monuments, un grand nombre de dieux et de déesses, de pharaons, de Lagides et d’empereurs, représentés sous la forme même d’un sphinx ; ce qui exclut toutes les interprétations tirées de l’astronomie ou des phénomènes naturels, qu’on a voulu donner de cet emblème.

On distingue les sphinx, images symboliques des différentes divinités, par les insignes caractéristiques de chacune d’elles, placées sur la tête du monstre. Le disque solaire peint en rouge ou en vert, surmonte la coiffure du sphinx emblême du dieu Phré, et rappelait aux Égyptiens la force et la sagesse de l’être céleste qui, dans leur système cosmologique, régissait et gouvernait l’univers matériel.

  1. Ἀλκῆς τε αὖ μετὰ συνέσεως ἡ σφίγξ. Τὸ μὲν σῶμα πᾶν λέοντος, τὸ πρόσωπον δὲ ἀνθρώπου ἔχουσα. Strom., lib. V, p. 671 ; édit. d’Oxfort.