Page:Champollion - Panthéon égyptien, 1823.djvu/178

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Diodore de Sicile, que Jablonski cite cependant sans accorder à ce témoignage tout le poids qu’il mérite, nous apprend, dans son livre premier, où il expose rapidement le système religieux des Égyptiens, que parmi les dieux terrestres (Ἐπιγείους), nés des dieux célestes (τῶν ἐν Οὐρανῷ θεῶν), et venus après eux, ils comptaient Κρόνος et Ῥέα, c’est-à-dire Saturne et Rhéa[1]. Ces deux personnages, qui étaient frère et sœur, succédèrent à Hélios (Phré) ou à Héphæstus (Phtha), et méritèrent l’immortalité et des autels par leurs bienfaits envers l’espèce humaine. Ce récit de l’historien sicilien, quoique empreint d’une teinte marquée d’évhémérisme, conserve cependant une physionomie tout égyptienne, puisqu’il renferme clairement exprimées les deux divisions fondamentales établies parmi les divinités égyptiennes, dont les unes étaient purement célestes (ce sont les deux premières classes d’Hérodote), et les autres se trouvaient dans des rapports plus intimes avec l’homme, puisque, suivant les traditions sacerdotales, ces divinités s’étaient autrefois incarnées sur la terre, s’étaient manifestées ainsi aux yeux des mortels. Les premières entre les divinités de cet ordre de dieux terrestres ou mondains, furent Cronos, et Rhéa, laquelle, selon Diodore de Sicile, Plutarque et Synésius, donna naissance à Osiris ainsi qu’à Isis.

Cette seule circonstance a suffi pour nous faire retrouver avec certitude le nom et les images de la Rhéa égyptienne sur les monuments originaux : la forme la plus simple de cette déesse est celle que nous reproduisons sur notre planche 36, d’après une petite stèle du Musée de Turin ; la légende qui l’accompagne contient d’abord le nom propre de la déesse, qui se lit sans difficulté ⲙⲧⲡⲑ ou ⲛⲧⲫⲑ, Netpé, Nethphé ou Natphé : ce nom est suivi d’un titre tout particulier à cette divinité, celui de ⲙⲁⲥⲛⲛⲑⲛⲟⲩⲧⲑ ⲧⲛⲑⲃⲡⲑ, génératrice des dieux, dame du Ciel. Les chairs de Netphé sont de couleur verte ; le vautour qui décore le devant de la coiffure, le modius qui la surmonte, et les cornes de vache, présentent cette divinité sous l’attribution de mère et nourrice divine. Le disque rouge indique ici, comme ailleurs, que Netphé ou la Rhéa égyptienne apparatient à la famille de Phré (le Dieu-Soleil), comme toutes les divinités égyptiennes du second et du troisième ordre.

  1. Bibliothec. histor., livre I, page 12.