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au-dessus du bélier, aux pattes antérieures duquel sont liés des serpents uræus portant la coiffure emblématique des régions d’en haut ; d’autres uræus, la tête couverte de la coiffure emblématique des régions d’en bas, paraissent attachées aux pattes postérieures de l’animal sacré, marchant sur la forme d’une coudée (mesure égyptienne de longueur), peinte en vert. Le tout repose sur un autel enrichi d’ornements peints de diverses couleurs.

Le bélier, emblême d’Ammon en général[1], exprime par lui-même l’idée ame ou esprit[2], et les uræus symboliques fixées aux quatre jambes de l’animal désignent assez clairement l’esprit d’Ammon mettant en mouvement toutes les puissances des régions supérieures et des régions inférieures ; enfin la coudée sur laquelle s’opère ce mouvement rappelle d’une manière tropique des idées d’ordre, de régularité, de justice ou de vérité. L’inscription hiéroglyphique qui accompagne ce tableau confirme pleinement ces divers aperçus ; elle répond aux mots coptes ⲡⲇϩⲓ ⲱⲛϧ ϣⲟⲣⲡ ⲛⲛⲓⲛⲟⲩϯ, l’esprit vivant, le premier des dieux[3]. On ne saurait méconnaître ici le Jupiter égyptien, qui, selon Manethon, était considéré comme l’esprit qui parcourt, pénètre ou comprend toutes choses, παντων χωρουν πνευμα[4] : C’est le grand esprit du monde intellectuel.


Planche 2 quinquies.

Mais Ammon était en même temps l’ame du monde matériel, sorti de son sein, organisé, dirigé et animé par ses émanations, c’est-à-dire par d’autres formes de lui-même ; il était le principe et le moteur des quatre éléments dont se composait le monde créé. Considéré sous ce point de vue, Ammon fut symboliquement représenté par le bélier à quatre têtes, lequel exprime le grand esprit renfermant en lui-même ceux des quatre dieux Phré, Sôou, Atmou et Osiris, ses émanations ; c’est-à-dire les esprits ou les essences divines qui dirigent les quatre éléments dont est formé le monde matériel, suivant la vieille doctrine égyptienne[5].

  1. Voir la planche 2 bis, et son explication.
  2. Voir l’explication de la planche précédente, 2 ter.
  3. Ou, d’après les diverses acceptions du mot Ϣⲟⲣⲡ, principium deorum.
  4. Manethon, cité par Théodoret, tom. IV, sermo 3, pag. 512 et 513.
  5. Dialogue d’Isis et d’Horus. Voir Stobée, Eclogarum physicarum, lib. I, cap. 52, pag. 973 et 974.