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raient aucun dieu mortel, mais celui seul qu’ils appelaient Cnèph, qui est inengendré et immortel. »

Si l’on étudie en effet les bas-reliefs qui décorent les temples de la Thébaïde, on acquiert bientôt la conviction que Cnèph ou Cnouphis fut principalement adoré dans cette partie de l’Égypte la plus anciennement habitée. C’est à Cnouphis qu’est dédié, par exemple, le grand temple d’Esné, bâti par les Égyptiens, sous les empereurs Romains, de puis Claude jusqu’à Antonin-le-Pieux ; aussi l’image d’Amon-Cnouphis occupe-t-elle le dessus de la porte au fond du portique ; elle est sculptée sur toutes les colonnes, et une seule face latérale de ce même portique offre jusqu’à dix-huit bas-reliefs représentant Cnouphis des souverains de l’Égypte. Le petit temple d’Éléphantine, remarquable par le goût pur de son architecture et par sa parfaite exécution, fut également consacré au dieu Cnèpb ou Cnouphis, par un des plus illustres pharaons de la XVIIIe dynastie, Aménophis II, fils de Thouthmosis. Ce temple, mentionné par Strabon, existe encore presque intact ; ses bas-reliefs nous montrent le pharaon Aménophis, successivement accueilli par le dieu principal du temple, et par toutes les divinités de sa famille. Dans la grande salle, le roi accompagné de sa femme, la reine Taïa, présente de riches offrandes devant l’arche symbolique du dieu qui, plus loin, le reçoit dans ses bras.

Cette grande divinité, une des modifications d’Amon, fut considérée par les Égyptiens, comme la source de tous les biens moraux et physiques ; on l’appelait spécialement le Bon Génie (Ἀγαθοδαίμων), le Bon Esprit ; c’était le principe de toutes choses, l’esprit qui animait et perpétuait le monde en le pénétrant dans toutes ses parties[1].

Cnouphis porte, dans plusieurs inscriptions hiéroglyphiques, une légende de laquelle il résulte que cette divinité présidait à l’inondation du Nil. Ainsi, ce phénomène, sans lequel l’Égypte ne serait qu’un désert aride, comme les plaines de la Libye qui l’avoisinent, était considéré comme un bienfait spécial du Bon Génie, un acte de la toute-puissance de Cnouphis. Dans quelques bas-reliefs, cette divinité porte les noms de NEF-RÉ, NOUF-RÉ ou NOUF-RI ; et Amon s’appelle aussi Amon-Ré ou Amon-Ri.

  1. Eusèbe, Préparat. Evangél. III. — Horapollon, I, 64. — Iamblique, VIII, 5.