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ΡΟΟΗ, ΡΙΙΟΗ, ΙΟΗ.

(lunus, le dieu-lune, sélène.)
Planche 14 (A)

La plupart des auteurs grecs ou latins, et, à leur exemple, les savants modernes qui ont écrit sur la religion égyptienne, affirment, par cela seul que la lune était une déesse dans la Mythologie grecque et romaine, qu’il en était de même chez les anciens Égyptiens ; Jablonski, surtout, a prétendu prouver l’identité d’Isis et de la lune, et établir que l’épouse d’Osiris n’était autre chose que la lune personnifiée[1] : cette opinion, quoique contraire à une foule de témoignages de l’antiquité, quoique frappée de nullité par l’autorité positive des monuments, a prévalu toutefois, et on la trouve reproduite dans la plus grande partie des ouvrages publiés, de notre temps, sur le culte national de l’Égypte.

Mais selon la doctrine véritablement égyptienne, la lune était un dieu, une essence mâle, et, par conséquent, une divinité forcément distincte d’Isis et de toute autre essence femelle. L’auteur, quel qu’il soit, du traité d’Isis et d’Osiris, avance, à la vérité, que les Égyptiens regardaient la Lune comme étant à la fois mâle et femelle (Ἀρσενόθηλυν) ; mais Spartianus dit plus clairement encore que, dans la croyance religieuse des Égyptiens, la Lune était un dieu[2], ce qu’affirme formellement Ammonius en assurant que le nom de la Lune en égyptien était un nom du genre masculin[3]. Jablonsky n’a tenu aucun compte de ces trois passages qu’il cite cependant en entier dans son Panthéon[4], parce qu’ils contrariaient trop directement son système, qui est de ne voir dans tous les personnages mythiques de l’Égypte, que des personnifications du Soleil, de la Lune et des autres corps célestes.

Au défaut même des témoignages que nous venons d’invoquer, il resterait encore démontré par le mot seul qui, dans la langue égyptienne, exprimait l’idée Lune, que cet astre était considéré comme un dieu et non comme une déesse ; ΟΟΗ (la Lune) en dialecte thébain, et ΙΟΗ en dialecte memphitique, sont des mots masculins et que précède constamment l’article masculin Ρ ou ΡΙ, dans tous les textes coptes, c’est-à-dire, les textes en langue égyptienne écrits avec des lettres grecques. Ainsi dans la religion de l’Égypte, comme dans les mythes hindoux, la Lune était une divinité mâle. Il a été facile, avec

  1. Panth. Ægypt. lib. III, cap. I.
  2. Lunam Ægyptii mysticè Deum dicunt.
  3. Καὶ γὰρ εἰ ἀρσενικῶς Αἰγύτιοι τὴν Σελήνην ὀνομάζειν, etc.
  4. Panth. Ægypt., lib. I, III, §. 6, pag. 64.