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permettant de monter tranquillement à sa chambre et de s’y installer. Il gravit donc les marches de pierre du perron et, ayant écouté, sûr que personne ne soupçonnait sa singulière visite, il ouvrit la porte que ces gens simples et confiants ne prenaient même pas la peine de verrouiller. Quand il fût sur le point de pénétrer dans la chambre de Jeanne, une émotion violente l’arrêta. Un instant il hésita. Lui qui avait, au cours de sa vie aventureuse, bravé tant de dangers, se trouvait intimidé, inquiet, le cœur angoissé, à la minute d’un acte dont il ne voulait même pas envisager les conséquences. Que venait-il faire, cette nuit ? Etait-ce une curiosité malsaine qui le poussais, un bas sentiment de convoitise sensuelle, ou le simple désir de contempler l’image de Jeanne et de s’en aller ensuite, les yeux emplit de l’adorable vision ?... Il ne savait pas. Une force singulière le guidait, et il obéissait à des impulsions dont il ne démêlait pas exactement le sens. De folles idées, pourtant, l’avalent hanté. Il avait rêvé de voir la jeune fille en sa nudité de splendide déesse, de se jeter à ses pieds alors, d’éteindre entre ses bras enfiévrés les colonnes blanches de ses jambes et d’appuyer ses lèvres amoureuses sur sa chair de marbre froid. Et il ne lui semblait pas possible qu’elle lui résistât. Le feu de sa bouche la brûlerait, animerait son corps malgré elle, malgré sa volonté farouche, et ses mains caressantes électriseraient son être, et elle frissonnerait - pour la première fois ! Ses sens dormaient, dormaient, oui, comme des plantes merveilleuses dans l’ombre épaisse d’une caverne ; mais elle s’éveillerait, frissonnante et ravie, sa féminité éclose, entre ses bras d’amant, comme la fleur s’entr’ouvre aux premiers rayons du soleil qui la chauffe. Eh bien, oui, il risquerait la suprême audace. Au reste, il n’y avait plus que cela pour espérer la conquérir. S’il ne réussissait pas, elle serait à jamais perdue pour lui, sans doute ; mais s’il n’osait pas le geste irrémédiable,