Page:Champsaur - Homo-Deus, Ferenczi, 1924.djvu/7

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toir des numéros pairs et, finalement, s’effondra avec sa charge singulière, sur un banc placé au coin de la rue des Sablons. Alors, il s’essuya le front avec un mouchoir, car il suait à grosses gouttes, et ses yeux hagards explorèrent de nouveau les alentours.

Fébrilement, il essaya d’installer le lourd et long ballot, qui avait dans les quasi-ténèbres une vague forme humaine, sur le banc ; après quoi il s’éloigna très vite, retraversa l’avenue. Bientôt sa silhouette, un peu haute et massive, se perdit dans l’ombre épaisse du tunnel de feuilles et de branches.

Au ciel splendide s’allumaient encore, par moments, de nouveaux points lumineux ; ou bien des étoiles filantes passaient, rapides, à travers les constellations, ainsi que des fusées.

Or, sur le trottoir de l’avenue, du côté des numéros pairs, deux agents s’avançaient lentement, tout en causant. Soudain, au coin de la rue des Sablons, ils tombèrent en arrêt devant la masse bizarre qui gisait sur le banc.

— Halte ! fit l’un. Qu’est-ce que ça peut bien être ?

— Un poivrot ! répliqua l’autre, en lui posant une main sur l’épaule.

Mais le paquet humain, mal équilibré, roula par terre, et les agents poussèrent un juron. S’étant penchés sur l’individu pour le saisir et le mettre debout, ils se redressèrent subitement, les yeux hagards, les jambes molles ; ils s’apercevaient que l’inconnu était mort.

Un bec de gaz, à la lumière tremblotante, jetait des rayons sur la face blafarde de l’homme : elle était livide, crispée, et les yeux gardaient, au fond des prunelles vitreuses, comme un tragique reflet d’épouvante.

L’aventure troublait fort les deux agents. Nouveaux venus, dans le service, affectés à la surveillance de ce quartier riche et tranquille, ils n’avaient pas encore eu occasion de prendre contact avec le crime. A contempler cette figure expirée, gardant l’empreinte de la peur,