Page:Chansons de l Escalade, Geneve, Jullien, 1845.djvu/26

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11

Picô vegnai avoi grande ardiesse.
Pè fare vi qu’il avai de l’adresse,
I volivé la pourta petarda :
Y et iqué yo i fu bin attrapa.

12

I volivé fare de tala sourta
Qu’are volu tote eifondra la pourta,
Et l’are mé pè brelode et bocon ;
Poi sare alla to drai dessu le pon.

13

Lou pon-levi, i lous arion bassia,
Arion outa to ce qu’are anpassia,
Pè fare antre l’escadron de Savoi.
Vo lou verri bin tou an désarroi.

14

Car on seudar qu’aperçu to sozice,
To bellaman bouta bas la coulice,
Poi va cria qu’y se fallai arma,
U atraman no sarion to tüa.

15

I fu hassia queman delé harbette,
Poi anfela queman dés alüette
I fu créva queman on fier crapio,
Et poi saplia queman dés atrio.

16

Drai u cliossi, on va sena 1’alarma ;
En méme tan, on crie : « E armé ! é armé ! »
De to andrai on vi dé zan sourti,
Que desivon : « Y fau vaincre u mouri. »

17

Is alaron vitaman su la Treille ;
Yon d’antre leu s’avança pé adresse :
Et fi alla queri lé mantelet
Pè s’an servi queman de parapet.

18

I roulavon d’onna tala fouria !
Et pè bouneur is étivon rouillia ;
I fassivon ancora mai de brui
Qu’on bovairon ato cin san chouari.

19

Pè cé moyan on prai le courdegarda,
Yo l’ennemi fassive bouna garda ;
Le falliu bin quitta é Genevoi,
U désonneur de tota la Savoi.

20

Lou Savoyar vito priron la fouita,
Quant i viron ranversa la marmita
Yo is avion bouta couaire à dina
Pé to celeu qu’is avion ameina.

21

Is alaron vito à la Tartasse
Yo l’ennemi criave de gran raze :
"Vivé Espagne ! Arri ! Vive Savoi !
Y è orandrai qu’on tin lou Genevoi ! "

22

Lou Genevoi, qu’aviron gran corazo,
Firon bin vi qu’is étivon dé bravo,
De se batré contre dé zan arma
Dai le manton quanqué à leur cholar.

23

On antandai ce vipère Alexandre
Que desivé : "Y ne vo fau ran crandre.
Las ! mous anfan, dépassi de monta !
En paradi ze vo fai to alla."

24

Sen Altessé, an granda dilijance,
Onna pousta manda u rai de France :
Que Zeneva il avive surprai,
Que cela nai il y farai son liai.

25

« Vantre sin gris ! » se di le rai de France,
"Que Zeneva se saye lassia prandre !
Las ! mon couzin s’y è troi azarda ;
I ne porra pas guéro la garda."

26

An mémo tan, onna lettra arrive,
Que le couda fare créva de rire,
Que desivé : "Lou Savoyer son prai,
Lou Genevoi lou pandon orandrai."


11. Picot venait avec grande hardiesse pour faire voir qu’il avait de l’adresse ; il voulait petarder la porte. C’est là qu’il fut bien attrapé.

12. Il voulait faire de telle sorte qu’il eût voulu tout effondrer la porte, et l’aurait mise par éclats et par morceaux, puis il serait allé tout droit sur le pont.

13. Ils auraient baissé les ponts levis ; ils auraient été tout ce qui les eût empêchés pour faire entrer l’escadron de Savoie. Vous les verrez bientôt en désarroi.

14. Car un soldat qui aperçut tout cela tout bellément fit tomber la herse, puis va crier qu’il se fallait armer ou qu’autrement nous serions tous tués.

15. Il fut hâché comme des herbettes, puis enfilé comme des alouettes ; il fut crevé comme un gros crapaud et puis chaplé comme des âtriaux.

16. Droit au clocher on va sonner l’alarme ; en même temps on crie : aux armes ! aux armes ! De partout on vit sortir des gens qui disaient : Il faut vaincre ou mourir.

17. Ils allèrent vite sur la Treille ; un d’entre eux s’avisa d’un moyen ingénieux : il fit quérir des mantelets pour s’en servir comme de parapets.

18. Ils roulaient avec une telle furie (et par bonheur ils étaient rouillés) qu’ils faisaient encore plus de bruit qu’un bovairon avec cinq cents charrues.

19. Par ce moyen en prit le corps-de-garde où l’ennemi faisait bonne garde ; il le fallut abandonner aux Genevois au déshonneur de toute la Savoie.

20. Les Savoyards prirent aussitôt la fuite quand ils virent renversée la marmite dans laquelle ils avaient mis cuire à dîner pour tous ceux qu’ils avaient amenés.

21. Ils allèrent vite à la Tartasse où l’ennemi criait avec grand fracas : Vive Espagne ! arri, vive Savoie ! C’est main tenant qu’on tient les Genevois.

22. Les Genevois qui avaient bon courage, firent bien voir qu’ils étaient des braves, en se battant contre des gens armés depuis le menton jusqu’à leurs souliers.

23. On entendait ce père Alexandre qui disait : Il ne vous faut rien craindre. Ah ! mes enfans, dépêchez-vous de monter, je vous fais tous aller en paradis.

24. Son Altesse en grande diligence envoie un courrier au roi de France, lui annonçant qu’il avait surpris Genève, que cette nuit il y ferait son lit.

25. Ventre saint-gris, se dit le roi de France, quel malheur que Genève se soit laissé prendre. Ah ! mon cousin s’est trop hasardé ; il ne pourra guère la garder.

26. En même temps une lettre arrive qui pensa le faire crever de rire. Elle disait : Les Savoyards sont pris. Les Genevois les pendent maintenant.