Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/40

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On retrouve donc dans les Idéals le même procédé que dans les Préludes. Le principe de la variation ne s’y montre lui-même ni moins vrai ni moins fécond. Si différents, si contraires qu’ils puissent être, les sentiments divers ou opposés par lesquels nous passons d’un jour ou d’une heure à l’autre, joie ou tristesse, plaisir ou douleur, espoir ou crainte, n’en appartiennent pas moins à une même âme : en cela consiste le drame humain. Telles sont, en musique, les variations d’un même motif : telles, en particulier, dans les Idéals comme dans les Préludes. Pourtant, si le principe reste dans les Idéals excellent et judicieux, la réalisation est moins frappante que dans les Préludes, où les thèmes avaient plus d’accent et de souffle, les variations plus de relief, le ressort lyrique plus de puissance.

Dans Ce qu’on entend sur la montagne, Liszt suit Victor Hugo pour confronter la destinée humaine avec l’univers qui en est le cadre. Le poète, prêtant l’oreille à une solitude que semblent d’abord peupler seuls la montagne et l’océan, y distingue, « confuses et voilées », deux voix « l’une à l’autre mêlées », dont l’une dit « Nature » et l’autre « Humanité ».

Presque tout se ramènera pour Liszt à ce contraste, et il y a plus de détails musicaux chez le poète que chez le musicien. Hugo, en effet, dans ces voix de l’éther, notait une alternance « d’accords éclatants » et de « suaves murmures », de « harpes », de « fanfare », d’une « lyre grinçante ». Liszt n’écrit pas sous cette dictée, comme faisait Schumann, dans l’une des plus poétiques de ses Scènes de Faust, celle d’Ariel, où Gœthe avait lui aussi donné des indications instrumentales. Ne gardant que quatre mots les moins précis,

… un bruit large, immense, confus.
Plus vague que le vent dans les arbres touffus,

il accepte le risque et tient la gageure de rendre ce vague,