Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/41

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cette confusion. Tâche ingrate, périlleuse, où l’on ne peut guère réussir, par définition, sans dérouter ou lasser l’auditeur. Là encore, et par définition aussi, la musique n’est pas une peinture, l’immensité, le vague, la confusion ne se décrivant pas. Une fois de plus, il s’agit d’éveiller un sentiment, celui d’une large indifférence, auquel s’opposera la chaleur du cœur humain. L’œuvre conclut sur un thème d’accent religieux. Moins panthéiste que Hugo, animé d’une foi plus précise, Liszt veut qu’ici, après s’être opposées l’une à l’autre, Nature et Humanité se rejoignent, se concilient, se confondent, se résorbent dans le divin. Thèse, antithèse, synthèse : au fond de cet air qu’en tout siècle et dans tout pays respirent les esprits cultivés, subsistaient alors, dans l’Allemagne où vivait Liszt, des traces d’hégélianisme, qui pénétraient tout et dont tout s’imprégnait. Mais le conflit et sa solution trouvaient leur langage dans les contrastes, les débats et la conclusion de la sonate et de la symphonie beethovéniennes, dont le poème symphonique ne fait guère que réaliser les velléités.

La musique, propre à traduire des symboles dans les poèmes symphoniques que nous venons de parcourir, n’est-elle pas capable de les créer par elle-même ?’Tel est le sens des deux derniers, Bruits de fête[1] et Orphée.

Après une fanfare qui semble d’abord sonner un ralliement, mais qui reviendra dans une conclusion triomphale, les Bruits de fête font se succéder, souvent comme les variations d’un même thème, des accents d’un recueillement religieux, une sorte de gavotte un peu brusque et une scintillante polonaise. Malgré l’unité qu’y apportent le principe et l’emploi du thème varié, ces traits divers

  1. Fest-Klange : le mot bruit n’est pas une traduction exacte du mot Klang qui évoque des sons plus rayonnants, comme est déjà le son musical. Mais Sons de fête serait inacceptable en français. Malgré moins de fidélité littérale et l’idée d’éloignement qui s’y attacherait, Échos de fête serait peut-être une formule meilleure.