Aller au contenu

Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fugue, au progrès si ample et si serré, la plus belle fugue peut-être de toute la musique.

L’unité est donc la première loi du poème symphonique, unité externe ou de forme, unité interne ou de sujet : du sujet mais plus encore du sentiment, ressort vivant qui donne à la pensée musicale et à son expression une large ampleur de trajectoire. À cette unité doivent tendre et se subordonner, également au point de vue de la forme, les développements et, au point de vue de la « matière », les rythmes, thèmes, harmonies et timbres, les contrastes eux-mêmes n’ayant pour objet que de donner tout son relief, tout son accent, toute sa clarté, toute son éloquence à cette unité, comme le faisait Beethoven. Il n’est pas un fragment, pas un détail, si séduisants qu’ils puissent être en eux-mêmes, qui ne concourent à cette convergence. Qu’un mot, qu’une phrase, qu’une allusion, qu’un souvenir aident ici à la cristallisation, qu’ils ouvrent à la musique un domaine plus étendu dans l’empire de l’imagination ou du cœur, elle n’a qu’à y gagner. Le défaut en serait peut-être plus sensible dans certaines œuvres de Beethoven. La querelle de principe entre les partisans exclusifs de la musique pure et les adeptes de la musique à programme ne sera jamais tranchée. Il n’y a pas de balance qui permette ici de peser le pour et le contre ; tout se ramène, d’une part à des goûts personnels — dont on ne discute pas — et à des cas d’espèces. Un beau poème symphonique vaut mieux qu’une méchante symphonie ; une bonne symphonie est préférable à un médiocre poème symphonique.

La vérité, une vérité souple, nuancée, presque contradictoire sous ses jours divers, avec l’instabilité radicale de mainte vérité humaine, a été dite par Schumann, musicien en qui survivait une larve de poète : « Ce que font les poètes quand ils cherchent à enclore le sens de tout poème dans un titre, pourquoi les musiciens ne le feraient-ils pas aussi ? Le tout est qu’une telle allusion verbale ait du sens et de la délicatesse : à cela se recon-