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CHAPITRE III

LES SUCCESSEURS IMMÉDIATS DE LISZT

Le premier successeur direct et disciple avéré de Liszt est ici Saint-Saëns, qui reprend le titre de « poème symphonique » pour le Rouet d’Omphale (1871), Phaéton[1] (1873), la Danse macabre (1874) et la Jeunesse d’Hercule (1877). On s’étonne presque de voir un praticien de la musique absolue tel que Saint-Saëns sacrifier à un genre où la musique s’évade plus ou moins d’elle-même. Mais n’y recourt-il pas au contraire comme par instinct, pour dépasser les limites parfois un peu étroites de son imagination et étendre, grâce à ce tremplin, la portée de ses élans ? Loin de montrer d’ailleurs cette étroitesse du goût qu’on lui a souvent reprochée, Saint-Saëns admire avec flamme les maîtres les plus opposés à sa nature, Berlioz, Liszt et (au moins en 1876) Wagner. Son étude des Portraits et Souvenirs sur les poèmes symphoniques de Liszt est un dithyrambe. Il ne s’est pas borné à les célébrer par la plume. Il s’en est fait le champion, les jouant à deux pianos avec Francis Planté, en dirigeant des exécutions orchestrales, bravant ainsi, pour les imposer, l’indifférence, la routine ou l’hostilité du public. Mais jusque dans l’admiration la plus active, la plus combative même, il garde cette indépendance de jugement, dont le caprice apparent n’est que lucidité, pondération, équilibre. Il n’hésite pas, en les louant, à déceler dans les poèmes symphoniques de Liszt de la surabondance, de la prolixité, de la diffusion. Leur exemple n’est

  1. Faut-il rappeler que l’étymologie de ce nom voudrait après le t comme après le p une h, que l’usage a laissé tomber ?