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à la science fait suite « le Convalescent » chez qui la vie reprend jusqu’à la plus vive animation ; puis le « Chant de danse » auquel Richard Strauss applique un de ces rythmes de valse qui lui viennent facilement à l’idée jusque dans Salomé ou Elektra — sans parler du Chevalier à la rose (où ils sont assurément plus de saison). Le « Chant du somnambule » apporte à l’œuvre une conclusion d’une sérénité toute nocturne. On a vainement cherché dans ces pages successives le fil qui mènerait, selon l’idée fondamentale — d’ailleurs assez vague — de Nietzsche, de l’homme au surhomme. Cette interprétation ne soutient guère l’examen. Elle supposerait en effet un développement aboutissant à une sorte d’apothéose ou au moins de victorieuse transfiguration, alors que tout s’achève plutôt sur une impression de désenchantement et d’épuisement.

Dans ces pages souvent somptueuses, on en est donc réduit à chercher, l’une après l’autre, les références à Nietzsche, que Strauss indique lui-même au début de chaque fragment. Mais, outre que ces allusions restent obscures ou vides pour l’immense majorité des auditeurs qui ne possèdent pas page par page leur Nietzsche, cette précaution jugée par lui nécessaire trahit l’artifice où est ici tombé Richard Strauss. Sa musique, si ingénieuse ou brillante qu’elle soit, semble nous présenter la traduction juxtalinéaire d’un texte, mais plus obscure que ce texte lui-même.

Entre l’excès de la description matérielle, que n’évitaient pas toujours Don Juan, Macbeth, Don Quichotte et même Till, et l’excès d’abstraction qui égare dans Zarathoustra, tout se passe comme si Richard Strauss avait tenté ou opéré une sorte de synthèse, avec Mort et transfiguration (op. 24) et la Vie d’un héros.

Dans Mort et transfiguration et la Vie d’un héros[1], Richard Strauss imagine lui-même son argument et établit son canevas. L’avantage est évident : l’idée poé-

  1. La traduction littérale du titre allemand, Ein Heldenleben serait Une vie de héros : l’usage a consacré, en français, la Vie d’un héros.