Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/72

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tique et l’invention musicale sortent ensemble de la même source, en intime concordance, en étroite union, mais cet avantage subjectif entraîne quelques inconvénients. D’abord, ces deux conceptions factices pèchent par une extrême banalité. Aussi rebattues en musique qu’en poésie, elles s’accommodent et se contentent de motifs eux-mêmes peu saillants et d’un style conventionnel. En outre, elles n’offrent plus rien en elles-mêmes pour piquer ou retenir l’attention et le sentiment de l’auditeur. Trop de précision ou trop de vague, tels sont les deux écueils entre lesquels nous avons vu souvent louvoyer le poème symphonique, sans qu’il évitât toujours l’un ou l’autre.

Les deux mots du titre dictaient ici d’une façon impérative le caractère de l’œuvre et en dessinaient le plan avec assez de clarté pour que les détails réalistes eux-mêmes y prissent une valeur expressive : épuisement, assaut de la mort, frissons de la fièvre, réveillant des souvenirs de rêve et d’action, dernières luttes de la vie, enfin, hymne puissant de l’au-delà. La netteté de motifs — parfois médiocres en eux-mêmes[1] — le contraste des harmonies tantôt suaves et tantôt âpres, la couleur variée et juste des timbres parlent ici un langage musical qui se passe de lexique ou de commentaire. Au cours du développement, un thème solennel et quelque peu emphatique :


\language "italiano"

\layout {
  indent = 0 \mm
  short-indent = 0 \mm
  line-width = 12.5 \cm
}

\relative do {
  \key mib \major
  \clef treble
  \time 4/4
  \override Score.BarNumber.break-visibility = ##(#f #f #f)
  r4 fa4_^_\fff sib_^ do_^ | re_^ re'( do2)^^
}

d’abord à nu, puis enveloppé de riches harmonies, semble traduire les ambitions de la vie humaine. Le ton transpa-

  1. Sous l’appareil somptueux et compliqué de ses œuvres symphoniques ou dramatiques, il subsiste souvent chez Richard Strauss une sorte de candeur ou de complaisance mélodique qui ne s’y accorde pas toujours très bien et fait disparate : on a l’impression de rencontrer Mendelssohn ou Brahms dans un labyrinthe. Cette nuance et ce contraste sont encore plus fréquents et plus accentués dans les symphonies de Gustave Mahler, mais là avec une affectation si évidente et si calculée qu’elle indispose au lieu de convaincre ou de séduire.