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JEAN TALON, INTENDANT

pelleteries, le privilège du trafic étaient de nature à leur assurer assez promptement le dernier résultat. La colonisation, l’encouragement de l’agriculture et de l’industrie, l’augmentation de la population, ne pouvaient produire les mêmes effets que plus tard, avec le concours des années. Il était donc hasardeux d’attendre d’une compagnie commerciale les efforts à longue portée, les sacrifices présents en vue de l’avenir lointain. Au contraire cette politique de prévision, de prévoyance, de préparation patiente et coûteuse aux progrès futurs entrait naturellement dans le rôle du gouvernement royal. Pour ce dernier, le Canada ne devait pas être un champ d’exploitation et de spéculation, mais une prolongation de la France au delà des mers, un accroissement de son influence et de son prestige, une voie nouvelle ouverte à ses énergies nationales, à ses explorateurs, à ses marins, à l’esprit d’entreprise de ses armateurs et de ses marchands. Fonder un comptoir lucratif, tel était naturellement le mobile de la compagnie ; fonder une France nouvelle en Amérique, telle devait être l’ambition du gouvernement royal. Talon comprit cela dès le premier instant de son arrivée, et cette clairvoyance patriotique reste l’un de ses meilleurs titres à notre admiration.

Passant à un autre sujet, l’intendant donnait au ministre des renseignements très satisfaisants sur l’état des troupes. Les compagnies du régiment de Carignan étaient toutes complètes ; quelques-unes comptaient même 66 hommes. On allait leur faire prendre leurs quartiers d’hiver dans les forts commencés, ainsi qu’à Québec, Trois-Rivières et Montréal. « Je donnerai, disait Talon, la meilleure partie de mon application à