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JEAN TALON, INTENDANT

cas proposé, et, sans se désister de leur réclamation, ils se bornèrent à demander à l’intendant une attestation écrite qu’il avait jugée cette expropriation nécessaire au service et à la satisfaction du roi[1].

La question était vraiment assez complexe. Les Jésuites se considéraient légitimes propriétaires des terrains choisis par l’intendant pour y établir ses villages. Leurs titres étaient en règle, et l’on eût été mal venu à leur reprocher de n’avoir rien fait pour l’établissement de leur seigneurie, puisqu’on y voyait déjà de nombreux défrichements. L’étendue de ce fief — une lieue sur quatre — était tellement considérable qu’on ne pouvait prétendre le voir complètement établi avant un grand nombre d’années. D’un autre côté, Talon estimait que, pour accomplir son dessein, la partie de ce domaine située en arrière de la première ligne de défrichement était ce qu’il y avait de plus avantageux. Les centres de population qu’il y établirait sur des terres excellentes seraient assurés d’une complète sécurité par leur proximité de Québec. La fondation, le peuplement, le développement rapide de ces bourgs fortifieraient la colonie. Et les intentions du roi seraient promptement exécutées. Voilà pour la raison d’utilité publique. Quant à la question de justice, Talon tenait pour certain que le droit de l’État, le droit du roi était antérieur et supérieur à tous les autres, que le souverain était le maître de toutes les propriétés, et qu’il pouvait retirer en tout ou en partie ce qu’il avait concédé. Un autre

  1. — Les pièces inédites relatives à cet incident, la requête des Pères, le cas soumis par l’intendant, la réponse des Jésuites, se trouvent aux Archives nationales, à Paris, carton M. 247. Nous en donnons le texte en appendice.