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DE LA NOUVELLE-FRANCE

été particulièrement gai à Québec. La paix régnait au dedans et au dehors de la colonie ; la sécurité et la confiance avaient succédé aux longues et cruelles angoisses ; la présence d’un grand nombre d’officiers et de gentilshommes donnait une recrudescence d’animation et d’éclat aux relations sociales. Bref, les circonstances étaient à la joie ; la société québecquoise s’était en conséquence fort divertie, et la saison mondaine avait été brillante. C’est en cet hiver que fut donné à Québec le premier bal dont nos annales nous aient conservé le souvenir. Il eut lieu chez M. Chartier de Lotbinière, récemment installé en la charge de lieutenant civil et criminel[1]. On peut conjecturer que ces divertissements n’allèrent pas sans quelques excès. C’est là l’histoire de tous les temps. Et le vigilant évêque de Pétrée, les prêtres dévoués qui secondaient son zèle, en conçurent sons doute quelque alarme. Plusieurs dames de la Sainte-Famille, cédant à l’entraînement du plaisir, avaient probablement oublié la règle et l’esprit de leur association. Voulant réagir contre cette défaillance, Mgr  de Laval et les directeurs de la confrérie parlèrent d’en suspendre les réunions. Là-dessus grand émoi dans les salons de la capitale. On rapporte la nouvelle à l’intendant qui se cabre aussitôt, prend la chose au tragique, et se promet de réprimer cet empiètement de l’Église sur les libertés sociales. Voilà pourquoi, voilà comment, le 14 mars 1667, il saisissait le Conseil Souverain de la question des bals et de la société Sainte-Famille. Sa requête était un protêt dirigé contre Mgr  de Laval et

  1. — « Le 4 février, le premier bal du Canada s’est fait chez le sieur Chartier. Dieu veuille que cela ne tire point en conséquence. » (Journal des Jésuites, p> 353).