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DE LA NOUVELLE-FRANCE

une harangue dans la même note que la première, et faisait prêter aux assistants le serment d’allégeance. Détail significatif, Talon n’était pas présent à cette réunion, qui fut tenue dans l’église même des Jésuites. Il souffrait, parait-il, d’une légère indisposition[1]. Était-ce une indisposition diplomatique ? Nous inclinons à le croire, car, deux jours plus tard, il assistait à une séance du Conseil. Talon, imbu des idées qui prévalaient alors dans les hautes sphères gouvernementales, devait goûter médiocrement cette reproduction insolite d’un ordre de choses que la monarchie absolue tenait à faire oublier ; et il prévoyait peut-être que Louis XIV et Colbert en accueilleraient sans enthousiasme le compte rendu officiel. Effectivement le ministre adressa à Frontenac cette discrète admonition : « L’assemblée et la division que vous avez faite de tous les habitants en trois ordres ou états pour leur faire prêter le serment de fidélité, pouvait produire un bon effet dans ce moment-là ; mais il est bon que vous observiez que, comme vous devez toujours suivre dans le gouvernement et la conduite de ce pays-là, les formes qui se pratiquent ici, et que nos rois ont estimé du bien de leur service depuis longtemps de ne point assembler les états généraux de leur royaume, vous ne devez aussi donner que très rarement et, pour mieux dire, jamais, cette forme au corps des habitants du dit pays ; il faudra même, avec un peu de temps, et lorsque la colonie sera encore plus forte qu’elle n’est, supprimer insensi-

  1. Frontenac à Colbert, 2 nov. 1672. — Arch. prov. Man. N.-F., 1ère série, vol. 1. — Ces États généraux canadiens furent tenus à Québec le 23 octobre 1672. (Ibid.)