Page:Chapiseau - Au pays de l’esclavage, 1900.djvu/17

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ne remontent guère au-delà de deux ou trois générations. Et puis, de quoi se souviendraient-ils ? La facilité de vivre, leur paresse naturelle, les a empêchés de jamais rien fonder. Ils n’ont point de monuments ; leurs institutions, toutes primitives, ne survivent guère, en général, à celui qui les établit.

Les seuls événements dont ils se souviendraient — s’ils pouvaient se souvenir de quelque chose — sont les guerres ; mais ceux qui les entreprennent n’ont en vue que la satisfaction immédiate de quelque intérêt grossier. L’intérêt satisfait, la guerre s’oublie vite. Les vaincus n’ont pas la mémoire plus longue. De part et d’autre on n’a rien perdu de bien précieux : la vie humaine n’a pas là-bas la même valeur que chez nous, et les territoires sont à qui les occupe. D’ailleurs la fortune est changeante : le vaincu du jour sera le vainqueur du lendemain.

Les grandes razzias d’esclaves même, ne laissent pas dans une contrée de souvenirs bien durables : le noir des deux sexes se console bientôt de la perte d’une famille qu’il peut reconstituer facilement ; cela tient à son insouciance, à son fatalisme, à son respect inné de la force.