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Page:Chapman - Le Lauréat (critique des œuvres de M. Louis Fréchette), 1894.djvu/11

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xii
INTRODUCTION

poète qui a chanté, avec tant d’harmonie, tant d’enthousiasme et tant de patriotisme,

Tout ce monde de gloire où vivaient nos aïeux,


qui, en faisant revivre les choses du passé, en versant sur les tombeaux l’aromate de ses vers, a poussé si loin le culte du souvenir.

Crémazie s’est éteint sans revoir son pays, après avoir, pendant seize ans, souffert tout ce qu’un homme peut, sans perdre la raison, endurer d’humiliations et de regrets.

Pendant seize ans il a vécu dans un état voisin de la misère, et, comme si Dieu eût voulu, pour le régénérer, lui faire épuiser la coupe de l’expiation, il a assisté, quelque temps avant sa mort, au bombardement sacrilège de Paris ; il a vu de ses yeux la France, la France qu’il adorait, se tordre toute saignante sous le genou de la Prusse.

Depuis longtemps déjà Crémazie dort son dernier sommeil dans un coin isolé du cimetière du Havre, bercé par la grande voix de l’Océan qui lui « chante toujours son hymne de souffrance » et qui devait à jamais le séparer du sol béni où il avait laissé en partant toutes ses espérances, toutes ses affections, tout son cœur.

Une croix de bois indique seule l’endroit où reposent les cendres du plus grand poète canadien.

Cette humble croix bientôt peut-être tombera en poussière, et ceux qui voudront aller s’incliner sur la tombe du malheureux exilé,