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le fou

Et pour l’hypocrisie est sans miséricorde.
Il prêche incessamment la paix et la concorde.
Il voudrait voir liés d’indissolubles nœuds
Les peuples et les rois, les riches et les gueux ;
Il voudrait, emporté par sa rare folie,
Voir la loi vengeresse à jamais abolie,
Et répète au bourreau qu’il fait rire l’enfer,
Et qu’il ne peut frapper sans élever son fer
Vers le grand ciel serein d’où tombe la clémence.
Non, rien ne peut guérir une telle démence.
Et bien souvent on voit cet étrange insensé
Errer seul sous les bois, distrait, le front baissé,
Ou bien, les yeux au ciel, les cheveux dans la brise,
Cheminer, à pas lents, auprès du flot qui brise,
Tendant l’oreille aux bruits du flux ou du jusant,
Enivrant son regard d’infini, se grisant
De l’arôme du pin, du tremble et du mélèze,
Savourant, attardé, le soir, sur la falaise,
L’hymne délicieux de quelque chantre ailé.
Il semble par moments du sol s’être envolé :
Comme l’aigle et l’éclair il est dans les nuages.
Redescendu sur terre, écartant les feuillages