Page:Chapman - Les Aspirations, 1904.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
le niagara

Que souvent la lumière à cette onde prodigue,
S’imagine, pensif, qu’une céleste digue
S’est rompue et déverse en un puits colossal
Des torrents de rubis, de nacre et de cristal.

Depuis que cette chute écume, brille et gronde,
Des siècles par milliers sont passés sur le monde.
Depuis l’heure où son chant énorme et solennel
Pour la première fois s’éleva vers le ciel,
Notre sphère a subi des changements sans nombre ;
Plus d’un mont disparut, comme un vaisseau qui sombre,
Et de brûlants déserts s’étendent maintenant
Où de grands lacs jadis roulaient leur flot tonnant.
Mais rien n’a pu changer la cataracte immense.
La mer a son repos, la foudre a son silence,
Et le cratère même a ses instants de paix ;
Seul le Niagara ne se calme jamais ;
Toujours il court, toujours il bouillonne et s’écroule,
Insondable, indompté, mouvant comme la foule,
Reflétant dans ses eaux le dôme du ciel bleu,
Terrible, inépuisable et profond comme Dieu.