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le carnaval


C’est un vaste assemblage où prime l’antithèse,
Où le sans-gêne trône à côté du haut ton,
Où la fureur du loup devant l’agneau s’apaise ;
Là don Juan à la joue est baisé par Caton,
Et des marquis poudrés du temps de Louis seize
Bras dessus bras dessous marchent avec Danton.

Montréal est vibrant d’une ineffable joie.
L’étranger est ravi de l’éclat sans pareil
Que la ville enivrée en cet instant déploie.
Cependant l’heure fuit, et bientôt le soleil
Fermera sa paupière à l’horizon qu’il noie
Dans des flots d’ambre, d’or, de pourpre et de vermeil.

Et le jour a duré ce que dure la bulle
Que l’enfant gonfle et fait osciller sous ses doigts.
Déjà sur l’azur vif s’étend le crépuscule,
L’ombre voile déjà les dômes, les beffrois…
Et l’orient s’enflamme, et l’astre noctambule
Met des reflets d’acier sur le givre des toits.