Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/203

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Poussent à chaque instant de longs cris forcenés ;
Et bientôt, disloqué par mille heurts, le coche
S’affaisse lourdement sur un quartier de roche.

— Ça va mal, dit Jean-Pierre ahuri, ça va mal !
Je ne pourrai jamais dompter cet animal,
Qui, loin de s’amender, de jour en jour empire.
Le seul jeûne saura peut-être le réduire.
Essayons. —

Essayons. —Il essaie, et, durant un long mois,
Laisse souffrir de faim l’hippogriffe aux abois,
Qui maigrit et n’est plus que l’ombre de lui-même.
Il va la tête basse et la prunelle blême.
Il tremble de faiblesse, et regrette le temps
Où son vol emportait les mulets haletants.
Il voudrait se revoir au milieu des poètes,
Qui pourtant ne pouvaient lui donner que des miettes.
Son ossature inspire à présent de l’horreur.
Alors, ne craignant plus, devant cette maigreur,
Que le poulain fougueux ne s’emballe et ne rue,
Jean-Pierre avec le bœuf l’attelle à la charrue.
Oui, le noble animal, le fier cheval ailé,
Au grand bœuf indolent et lourd est accouplé.
Quelle humiliation ! quel bizarre spectacle !
 
Aussi bien l’hippogriffe affreusement renâcle,