Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/215

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Jusque dans le tombeau l’obscur déshérité
Semble encor poursuivi par la fatalité.
Cependant je pouvais prélever, les dimanches,
Sur des sous épargnés un bouquet de fleurs blanches.
Et quand j’avais prié, répandu bien des pleurs,
Je couvrais de baisers pieux mes humbles fleurs ;
J’allais les déposer sur la fosse chérie,
Espérant que là-haut quelque mère attendrie
Me ferait réunir bientôt à mon enfant.

La femme s’arrêta, des spasmes l’étouffant ;
Et plus d’un dans la salle essuya sa paupière
Au récit douloureux de cette prisonnière
Capable de toucher même un cœur de granit.
Ému, le juge aussi se taisait. Il finit
Par rompre le silence ; et, d’une voix fébrile :

― Vous étiez sans travail, vous étiez sans, asile,
Quand on vous a...

                      ― Sans asile et sans pain,
J’endurais les tourments horribles de la faim,
Avec peine j’avais pu marcher vers la tombe
Où repose le corps de ma chère colombe,
Et, de mes jours sentant vaciller le flambeau,