Page:Chapman - Les Fleurs de givre, 1912.djvu/97

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Leur jetant de la bave et des cris de colère,
Ils découvrent le pin plusieurs fois séculaire
Qui le premier heurta le rocher écumant
Et causa cet immense et sombre entassement.
Il faut couper le pin, rompre la clé géante,
Pour faire s’écrouler dans la vague aboyante
Le formidable jam qui barre le courant
Dont la blancheur fugace et folle d’un torrent
Lance au ciel attiédi les froids reflets du marbre.
Mais comment pourront-ils atteindre le tronc d’arbre
Retenant prisonnier, sur le cran, à fleur d’eau,
Tout ce bois échoué comme un épais radeau ?
Il leur faudra, hardis et forts comme Grenache,
Culbuter maint géant sylvestre qui le cache,
Et, rampant au-dessus de remous convulsifs,
Se frayer un passage entre les flancs massifs
De vingt autres géants qui gisent sur la roche.

Plus fier que d’Artagnan, plus crâne que Gavroche,
D’un pied leste et nerveux, Bourque s’est faufilé,
Sa cognée à la main, farouche, échevelé,
Ferme sur tout obstacle où son talon se pose,
Jusqu’à l’énorme pin rugueux sur qui repose
La masse inébranlable.

                                   Un instant indécis,
Bourque ne bouge plus et fronce les sourcils.